" ▼Vie N°2 ”
La dernière fois que Trajan avait vu tomber autant de pluis remontait à très longtemps, ça faisait pratiquement une semaine que cela n'arrêtait pas. Parfois les rayons du soleil redonnaient un petit peu d'espoir avant de s'engouffrer une nouvelle fois dans l'épaisse couche de nuages qui flottaient au-dessus de Caswell. Par-derrière la porte vitrée du centre de repos, Trajan observait les enfants en train de s'amuser dans les flaques d'eaux. Un rien pouvait les amuser. Il aurait pu leur donner un vieux tissu il aurait pu en faire une aventure burlesque semer d'embuche dans le monde imaginaire de l'enfance. Il adorait les regarder jouer comme s'ils ne grandiraient jamais, comme s'ils n'auraient jamais de problème. Il adorait l'innocence infantile sur leur visage. C'est pour ça qu'il avait choisi ce travail. Il leur faisait la lecture, s'occupait d'eux lorsqu'ils étaient triste, les réconfortaient lorsqu'ils demandaient leur mère ou leur père, il les couchaient lors de la sieste avant d'aller lui-même se coucher chez lui. C'était sa vie, son nouveau petit train quotidien et il aimait ça.
" ▼Vie N°1 ”
Son regard vint à fixer le ciel ombrageux, un point de fuite. Le ciel lui rappelait son enfance, son passé, ça le ramenait en arrière :
« Espèce de connard de gosse ! criait-il. Je ne t’ai jamais élevé comme ça, tu n'es qu'une honte pour toute la famille. »Son pied était en train de lui écraser le dos. Ses lèvres touchaient le sol poussiéreux de la vieille grange. Il avait mal il souffrait, mais n’osait pas crier. Il était trop occupé à s’empêcher de pleurer, mais c’était impossible. Ses larmes s’écrasaient contre le sol avant d’avoir longé ses joues assez rondes et sa peau qui devrait être plutôt douce pour son âge. Mais à la place, elle était graisseuse et râpeuse, comme s’il venait de faire une marche dans la poussière depuis des années s’en même avoir vu une goutte d’eau sur lui. Il avait du mal à respirer à présent, ses côtes étaient en train de s’affaisser et broyaient ses poumons. Et l’homme lui, semblait appuyer encore plus fort, en criant encore plus fort. Ses oreilles bourdonnaient des hurlements de son père. Il aurait tant voulu mettre ses mains dessus pour essayer d’atténuer toutes les injures qu’il lui insufflait.
« Pourquoi tu m’as fait ça ? Continuait-il, tu sais que je t’aime énormément, réponds-moi ! »
Son père changeât brusquement de position, il retira son pied du dos de Trajan, alors que sa voix venait de changer. Trajan se sentit libérer, partit de l'étreinte de son père avant qu'il ne le prenne fortement dans ses bras. Son père commença à avoir quelque bouffé d'aire comme s'il s'apprêtait à pleurer. Trajan ne comprenait plus vraiment ce qui arrivait à son paternel. Il avait juste mal, il souffrait et son père serait à présent ses bras contre son torse déjà broyé. Il aurait aimé lui crier de le lâcher, il aurait aimé le supplier pour qu'il arrête. Mais il n'arrivait à prononcer aucun mot. Même si les larmes avaient laissé place à la stupéfaction. Il priait tout de même au fond de lui pour que son propre géniteur le laisse partir. Lorsque soudainement une femme rentra dans la vieille grange, avec ses vieux murs, ses vieux tracteurs et ses vieux parcs pour les animaux de son père. Cette femme semblait être le contraire de son père. Elle était droite, bien vêtu dans son raincoat brun clair, ses cheveux coiffés en chignon dévoilaient une femme sûre d'elle et forte. Elle approcha en faisant en sorte de rester debout du haut de ses talons, elle avait de bonne forme qui la rendait plus généreuse qu'elle ne voulait le paraître.
«
Mark, lâche ton fils immédiatement, criait-elle en empoignant le bras de Trajan afin de le récupérer à ses côtés. Ce dernier se releva, les yeux pétillants, comme si un ange avait déposé son dévolu sur lui. Comme s’il venait de passer une épreuve sans frontières ou il avait vu la mort de prêt.
Tu as encore recommencé Mark. Je ne supporte plus que tu fasses ça à Trajan. C’est ton fil, mon Dieu.
- Je crois que Papa a besoin d’aller à l’hôpital. S'exclamait Trajan. »
Mark, son père, se releva de sa position et fit plusieurs pas en arrière, une goutte se versa sur se jouer : les mêmes qu’avait Trajan, mais qui n’avait pourtant pas la même signification. Puis sa mère reprit en se mettant à la hauteur de Trajan et en passant sa main sur son visage pour essuyer quelques une de ses larmes.
« - Tu sais Trajan, ton père à des problèmes et il ne s’en rend pas compte. Ce n’est pas vraiment lui qui te fait du mal, c’est une autre personne. Après il ne s’en souvient pas. Tu ne dois pas lui en vouloir, finissait-elle. »
" ▼Entre Deux ”
«
Viens là Trajan, viens je ne veux pas te faire de mal, murmura une nouvelle fois son père »
Avec les années, la double personnalité de son père avait évolué. Elle était devenue bien pire qu'auparavant. Trajan avait vécu dans la peur d'une personne qui intervenait de plus en plus souvent. Elle était devenue plus violente : les marques sur le corps de Trajan en témoignaient. Mark, du moins la personne en Mark, venait de défaire la boucle de sa ceinture dans l'intention de la retirer. Trajan, lui était dans sa cachette. Il avait maintenant quinze ans mais était dans l'obligation de se dissimuler pour éviter de souffrir. À l'école c'était pareil, il ne parlait pas souvent à cause de ceux qu'il recelait. Il était la plupart du temps seul, alors il avait trouvé ses cachettes. Elle lui servait autant pour cacher ses émotions que ces craintes. Beaucoup de personnes savaient que Trajan aurait dû avoir une consultation chez un professionnel. Mais sa mère s'obstinait à être contre ces pratiques et ni son fils, ni son mari n'iraient rencontrer un de ses charlatans. Personne n'était fou dans cette famille. Ce n'était que des problèmes d'interprétations. Un peu de malchance. C'est ce qu'elle pensait. Comme si on lui avait posé des œillets. Pourtant, c'était une femme si raisonnable.
Trajan entendit le parquet grincer juste devant la porte de son placard. Juste l'endroit où il avait trouvé refuge. Il lui avait même semblé avoir entendu sa respiration pendant que lui était obligé de garder ses mains sur sa bouche pour empêcher la sienne. Il n'arrivait plus à supporter ça, il voulut aspirer tout l'air qui l'entourait. Son coeur commençait à s'emballer, à jouer avec des battements de plus en plus fort. Il devait fermer les yeux, déjà dans le noir absolu pour essayer de se créer un cocon, essayer de se sentir en sécurité dans cette case et se persuader qu'il n'avait pas fait le mauvais choix. Qu'ici son père ne pourrait l'atteindre. Jusqu'à ce que la lumière brutale du couloir ne vienne s'emparer de l'ombre de son cocon. Il ne put réagir que déjà son père l'avait traîné brusquement en dehors de l'armoire par le bras. Son père lui avait tellement serré sa main contre son poignet fragile qu'il avait eu l'impression que celui-ci était broyé de l'intérieur. Il n'ouvrit même pas les yeux. Il savait ce qu'il allait lui faire. La double personnalité de son père ne prononça pas un mot, sa respiration sinueuse faisait l'affaire. Elle était si lourde et si saccadée, jamais Trajan n'avait entendu une telle respiration. Elle semblait opprimer toute la pièce et étant si terrifiante en même temps. Trajan entendit le bruit du frottement entre le tissu et le cuivre. Ses paupières voulaient s'ouvrir, mais il avait si peur.
Un premier coup. La personne dans le corps de son père poussa un gémissement de jouissance. Puis un deuxième contre son épaule. Trajan fut bloqué au sol. Le troisième coup lui avait littéralement coupé la respiration. C'était si brutal qu'il ne savait pas s'il avait juste mal ou si ses os se cassaient un à un, à chaque coup. Il se retourna dans une tentative inespérée juste pour que les coups ne viennent rejoindre les marques des brûlures qu'il avait déjà dans le dos. Un quatrième coup, son père frémissait une nouvelle fois d'excitation comme s'il abattait toute sa souffrance sur ce fils. Trajan se mit à ramper, il essaya. La porte d'entrer n'était pas trop loin. Il le faisait petit à petit. Une cinquième giclée suivit d'une sixième si puissante qu'il crut en recevoir deux. Une larme accompagnât la dernière. Il résistait. Mais ne pouvait plus s'empêcher de pleurer. Il ouvrit soudainement les yeux, il n'en pouvait plus. Il avait tellement envie de crier. Mais il ne voyait plus que cette porte. Elle était juste devant lui. Elle lui tendait la main, il n'avait plus qu'à la saisir. Un septième coup. Trajan en cracha un mélange de salive et de larmes juste devant lui. Ses yeux s'étaient contractés sous l'amertume de ses heurts. Il commençait à croire qu'il voulait sa mort. Il rampa encore et encore. Et c'est au moment qu'il voulut se redresser que le huitième choc fut porté. Trajan s'écrasa contre la porte, il se sentait si faible. Et l'autre était si fort. Il sentit un courant d'air frais contre ses oreilles. Il essaya de rouvrir une nouvelle fois les yeux. Ils se dirigèrent vers le visage endiablé de son père. Ce n'était définitivement pas lui. Il était horrible. Des veines énormes palpitaient sur ses tempes. Son visage était rouge de colère.
Comment un être pouvait être si furieux ? Trajan saisit la clenche comme si c'était sa dernière occasion. Il entendit une dernière fois la respiration de buffle de son père avant de s'enterrer dans le bruit sourd de la pluie. Une pluie frappante. Jamais il n'avait autant plus à Caswell, comme si la mer se versait sur leur maison et sur eux. Un torrent dévalait du ciel. Des flaques énormes se creusèrent dans le sol et sur la petite route, la seule qui menait à la vielle petite ferme. Il trébucha dans l'eau brune. Ses mains l'avaient rattrapé ,mais il n'avait pu s'empêcher de boire une tasse dans la flaque d'eau qui l'avait reçu. L'eau était poissonneuse, si fade. Il essaya de ce motiver, on ne voyait plus les pleures qui se mêlaient à la pluie, il se relevât rapidement avant de se retourner. Son père était juste là, il n'avait pas attendu qu'il prenne ses jambes à son cou pour arriver. Un froissement venu éclater dans l'air. Il venait de faire claquer la vieille ceinture en cuivre, surmonté au bot par la boucle en ferraille si douloureuse. Trajan montra ses mains en avant comme pour un signe de défense, comme pour le supplier. Mais il ne pouvait rien, il ne pouvait que remarquer les yeux de son père enfreint à la haine, les veines et ses cellules éclataient, ses yeux étaient remplis de sang. L'homme s'approchât pour envelopper le cou de son fils. Trajan essaya de lui déchirer la peau de son bras et cette chose arriva...
Il avait juste réussi à déchirer un cri parmi la houle bruyante. Et la peau de son père. Le corps entier partit en lambeau. Particules par particules. Comme si ce dernier s'était desséché avant que sa peau ne s’envole, emporter par la violente brise et par les trompes d’eau. Son corps se désintégra petit à petit, jusqu’à ce que ces os furent comme consommés par sa propre chair. En combustion, ses particules avaient rougi comme de la cendre. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. À part Trajan seul dans la cour familiale, au milieu de la pluie, du ciel grondant et la boue qui s’incrustait dans ses chaussures. Il baissa la tête. Et s’effondra à son tour au sol. Il n’était pas libéré. Il était soulagé.