→ Quel est votre sentiment vis-à-vis des étrangers ? Lorsqu'on me demande ce que je pense des étranges, un slogan fâcheux et véritable me vient à la mémoire, ce dernier, comme propulsé dans mon cerveau à la manière qu'on expulse un noyau de cerise d'un fruit pourri dans le décor : Caswell tu l'aimes ou tu le quittes ! Et c'est exactement mon ressenti, lorsque j'en vois un qui s'approche, nous prenant pour un tas de bouseux, j'ai une seule envie, celle de l'expédier hors d'ici à coup de pied dans le derrière... Cependant, faire fuir les gens ne rapporteraient plus à mes restaurants, et ce serait une grave erreur, alors je dois me contenter de fulminer en silence, un peu à la manière d'un type qui passe son temps à pousser des jurons dans sa barbe. On joue sur deux terrains, gazon et terre battue en même temps...

→ Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris la vérité ? ]Difficile de me le rappeler, ça fait maintenant plus de trente huit ans... Ce dont je me souviens bien, c'est mon esprit captivé, effrayé mais tellement passionné par les mots qui sortaient de la bouche de mes parents. Je crois que jamais je ne pourrais oublier cette histoire. Mystique, infernale et véritablement flippante, exactement ce dont je raffolais étant gamine, bien qu'après ça, les histoires des romans d"épouvantes n'avaient plus les saveurs passées, ils en devenaient terriblement ennuyants, ce goût de fade et d'amer en bouche. Les romans de maitre en la matière n'étaient que de vulgaires papiers pour le feu ou lorsque j'en avais envie, ils pouvaient siéger dans ma bibliothèque, annoté à certains passages...

→ Que pensez-vous des récents événements ? Croyez-vous en toutes ces rumeurs surnaturelles ?
Comment ne pas y croire ? Comme membre du Conseil et en parfaite connaisseuse de la ville, ces évènements d'une effrayante réalité s'imposent à nous. Même si je lutte pour trouver quelques justifications à ces apparitions passées et à venir, je ne peux réfuter l'immensité qui s'impose à nous... Autant l'on peut réfuter Dieu si on le veut, autant, on ne peut pas effacer les faits à coup de théories fumeuses, non, tout ça et bien réel et malheureusement pour nous... Après tout, personne ou presque n'est aussi flippée que moi par ce genre d'évènements, et ce n'est pas le holster qui contient une arme à feu dans la boite à gants de ma chevrolet qui pourra dire le contraire... Et même si ça ne protège pas, ça me rassure de savoir qu'il existe cette arme au fond de ma voiture, prête à me sauver la vie...



→ Avez-vous un secret vous concernant à nous révéler ?
Vous savez... Dans les petites villes et dans les familles anciennes où les ancêtres s'amusaient à fonder des villes pour en tirer quelque plaisir déconvenue, les secrets ne sont en rien une chose rare, bien au contraire, ils fleurissent ainsi, comme l'eau sur les tombes au petit matin, comme la rosée inonde nos jardins... Les secrets en revanche ont un seul point en commun les uns aux autres, ils ne peuvent pas s'exprimer. Ils sont la souffrance oubliée, la joie présente et le malheur futur. Les secrets se doivent de rester enterrer à jamais, sinon, ceux qui en disent trop pourraient se voir disparaitre. Dans les petits villages, on n'en dit pas trop, on garde ses secrets enfermés à double-tour et on jette la boite au fond d'un soi meurtri.

→ Avez-vous été témoin dans la ville de choses que vous aimeriez dénoncer ?
Lorsqu'on vit dans la même bourgade depuis des générations, il y a forcément des choses dont on connait l'existence, mais le principe du secret, ce principe qui nous lie les poings et l'âme s'applique également à ce genre de situations. Lorsque je me rends sur le lieu d'un incident fâcheux en tant qu'haut placé au Conseil, mon travail n'est pas celui auquel on peut s'attendre. Il ne s'agit pas de condamner ou de parler à quelques journalistes locaux, il s'agit de tout effacer, de tout nettoyer pour que rien ne se sache, et commence alors le travail de longue haleine, celui de tout enterrer en soi, de ne rien dire et de cacher cela aux yeux de la Société dans son ensemble.

→ Vous êtes pris dans un cyclone. Des débris sont tombés sur la personne qui vous est la plus chère et sur un enfant que vous ne connaissez pas. Si vous la sauvez cette personne vivra avec un handicap terrible mais l’enfant mourra. Si vous sauvez l’enfant il sera indemne mais l’autre mourra. Vous ne pouvez en sauver qu’un, alors que faites-vous ?

Sans même un sursaut de doutes, j'arrache la personne qui m'est la plus chère au monde. Cette personne si elle mérite ma confiance c'est qu'elle est quelqu'un que je connais parfaitement et dont je ne pourrais me passer pour vivre. Triste pour le gamin... Mais ce n'est jamais qu'un pauvre inconnu, des gens meurent tous les jours par notre inaction, et on ne s'en sent pas coupable pour autant lorsqu'on va au supermarché pour consommer à outrance et que l'on pollue à la vie à la mort. Non, et je n'aurais pas à me sentir coupable pour un gosse dont je n'ai jamais entendu parler. Je ne prendrais même pas la peine de verser une larme car avec des regrets, on ne change rien, que l'on pleure ou non, le gosse sera mort de la même manière. Tuer est un choix, et par la même occasion, mon choix est fait.