H-0.

Il fait nuit noire. De celle où on ne voit pas le bout de son nez. Des gouttes de sueurs roulent le long du dos de Kimiko Jensen avant de venir s’écraser sur la ceinture qui maintient son short en jean. D’une main, elle ramène ses longs cheveux noirs en un chignon, repousse les mèches collées sur son front & démarre sa voiture. Elle a mis des années pour s’offrir ce vieux 4x4 à la peinture écaillée, mais elle ne l’échangerait pour rien au monde. C’est maintenant son seul port d’attache. La voiture crachote & s’ébroue.
« Allé, démarre. C’pas le moment de faire ta fière. Avance quoi. » supplie la jeune japonaise à mi-voix. La voiture répond enfin  à ses supplications & la prostituée quitte sa place de stationnement pour rejoindre l’autoroute. Dans 49h sans arrêts, elle sera à Caswell. Tenir pendant 49h, s’écrouler ensuite.

H+3.

Le soleil vient de se lever. Dans le rétroviseur, Kimi jette un coup d’œil à ses affaires, jetées en vrac sur les sièges arrière. Toute sa vie à l’arrière d’une voiture. La japonaise sent les battements de son cœur s’accélèrer, & enfin, les premières larmes couler sur ses joues pâles. Elle les essuie d’un mouvement de main rageuse. Elle n’a pas le droit de pleurer, elle est trop forte pour ça. Trop forte pour eux. Pour chasser les idées noires, la jeune femme allume la radio, pousse le son aussi fort que ses oreilles peuvent le supporter, & se noie dans la musique.

H+5.

Première pause. Café noir avec trois sucres. Sucreries & chocolat. Première fois qu’elle pioche dans l’enveloppe d’argent qu’elle s’est constituée depuis son départ.

H+5.5

C’était la seconde fois qu’elle fuyait. La première, c’était à 19 ans lorsqu’elle avait fait ses valises en pleine nuit pour quitter son domicile familial. Elle avait attrapé son sac, descendu les escaliers sur la pointe des pieds, ouvert la porte & filé droit vers la nuit sans se retourner. Cela faisait maintenant 6 ans. A cette époque, elle avait des rêves plein la tête, des rêves de liberté, d’espoir. Le plan était simple. Faire quelques petits boulots, se trouver un appart, retourner à la fac dès qu’elle aurait assez d’argent, devenir prof de littérature, avoir une vie épanouie d’Américaine. Se marier avec un américain. Un bon plan.
Si seulement tout s’était passé comme prévu. Mais rien ne se passait jamais comme prévu. Elle avait déjà mis près de 6 mois pour rejoindre Los Angeles, une ville qui lui semblait assez éloignée de ses parents. 5200 km de distance. 6 mois donc, où elle avait du faire plusieurs étapes, travailler pour se nourrir, se loger, & avoir assez d’argent pour reprendre la route. Elle n’était pas stupide. Elle savait très bien que le stop était dangereux pour une fille comme elle, surtout sur une si longue distance. Ce n’était pas grave, elle avait le temps. Tout le temps qu’elle voulait désormais.

H+7.75.

« Il aurait seulement fallu être sage & obéissante. » se dit Kim en passant devant un immense panneau vantant les mérites d’une université prestigieuse. Déjà, qu’est-ce que ce panneau pouvait bien foutre sur le bord de la route ? C’est pas vraiment l’endroit pour réfléchir à son orientation quoi.
Kimiko fouilla dans sa besace pendant quelques instants en essayant de ne pas quitter la route des yeux. Elle avait lu quelque part que de plus en plus d'accidents de voiture se produisaient car les conducteurs ne faisaient pas attention à ce qu'ils faisaient. Au diable ces conneries, elle n'allait certainement pas mourir parce qu'elle s'allumait une cigarette. Cela faisait maintenant des heures qu'elle roulait, mais elle n'en ressentait aucune fatigue. A vrai dire, elle était rarement fatiguée. Elle avait l'habitude de dire que le jour où elle se reposerait, elle mourrait. Glissant la cigarette entre ses lèvres, la jeune femme jeta un coup d'oeil dans le rétroviseur. Elle se savait belle. Désirable. Sensuelle. Sexuelle même. Dans tous les livres, on ne tarie pas d'éloges sur ces adolescentes langoureuses qui ignorent leur beauté. Kim était l'opposée. Une femme en pleine possession de ses moyens, extrêmement attirante & qui le savait. D'ailleurs, elle n'aurait pas pu survivre ces dernières années si elle n'avait pas été si belle.  
La prostitution s’était imposée d’elle-même. Elle avait eu tout d’abord quelques métiers peu rémunérés où elle se faisait allégrement escroquer, mais cela n’avait pas duré. Qui voudrait embaucher une jeune fille sans argent, sans diplôme, à peine sortie du College ? Certes, elle avait son beau visage, mais cela ne faisait pas tout. & puis, elle avait commencé à fumer des choses peu licites, & cela coutait cher. Elle avait vécu près d’un mois, sans argent, allant de squats en squats. & puis, un soir, elle s’était retrouvée sur une des avenues de Los Angeles, elle avait marché droit vers les prostituées & elle avait dit : « Moi aussi, je veux en être. » Après tout, elle le faisait déjà au Collège & à la fac. C’était la même chose. Ouvrir les cuisses, les faire jouir, être payée. Payée pour de vrai.
& un bon paquet même, songea-t-elle en jetant un coup d’œil à l’enveloppe remplie de billets qui dépassait faiblement de sa besace.

H+10.

Second arrêt. La jeune femme avait verrouillé les portières de sa voiture, incliné son siège, mis ses lunettes de soleil & fermé les yeux. Elle avait dormi pendant 6 heures d’un sommeil agité, où elle voyait ses parents & sa jeune sœur, Sachiko. Lorsqu’elle s’était réveillée, elle avait le dos en compote, comme si elle avait été passée à tabac, le ventre qui gargouillait, & le soleil couchant dans les yeux. Déjà 19h.

H+21.

Cela faisait presque une journée qu’elle était partie maintenant. Depuis qu’elle avait dormi, l’image de ses parents & de sa jeune sœur revenait de façon redondante. Quand elle avait parlé de cette situation à ses « collègues de travail », celles-ci n’avaient pu s’empêcher de lui demander pourquoi. C’était vrai, pourquoi ?
Ses parents ne l’avaient jamais frappée, ne se disputaient pas, ne buvaient pas, n’étaient pas violents. Ils n’étaient juste pas. Pas affectueux, pas compréhensifs, pas présents, pas chaleureux, pas ouverts. Peut-être qu’avec une autre fille qu’elle, la pilule aurait été avalée. Mais elle était bien trop grosse pour Kim qui n’avait jamais réussi à passer outre. & au fur & à mesure des années, le conflit devenait de plus en plus intense, jusqu’à ce qu’elle s’enfuit. Les torts étaient partagés, elle le savait, mais pour rien au monde, elle n’aurait fait marche arrière. Question de fierté. Question de rêves. Question d’idéaux.

H+23

Repas. Saucisses, bacon & œufs. Assis devant elle, dans la station service, un jeune couple se bécote sur le banc en polyester. Glamour. Kimiko agacée chausse ses lunettes de soleil & tente sans succès de se concentrer sur ses œufs au plat. Avez-vous déjà remarqué comme nous sommes attirés par les couples qui s’embrassent ? On est gêné, on détourne les yeux, on rougit, on rit, on fait comme si c’était puéril de s’embrasser, mais on en revient toujours à regarder.
Kimi n’a jamais eu de petit ami. Même pas au College, puisqu’elle baissait déjà les pantalons des garçons pour de l’argent à cette époque. & on ne peut pas mélanger le plaisir & le travail.
Peut-être que c’était pour ça qu’elle avait fuit une nouvelle fois. Avoir la possibilité de coucher avec un garçon sans avoir à lui demander de l’argent ensuite. Ne plus vendre son corps. S’appartenir pour de vrai.

H+31.

Elle était partie depuis deux jours. Plus que 18h de routes & elle serait arrivée. Un peu plus en comptant les temps de sommeil & les pauses repas/clope. Dans 18h, elle serait à Caswell. « Caswell » murmura-t-elle. Retraverser le pays dans l’autre sens. A seulement 1000 km de chez ses parents. Pour débarquer chez un mec qu’elle connaissait à peine & qui n’en avait rien à foutre de sa vie. Un mec qui l’avait achetée, comme tous les autres. Mais au début seulement. Il se rapprochait presque de ce que l’on pouvait appeler une «  vraie relation ». Il était dans l’armée, venait la rejoindre pour ses permissions, ils faisaient l’amour, & ensuite elle fumait des cigarettes à la fenêtre pendant qu’il se perdait dans ses pensées. Il parlait beaucoup. Ce n’était pas son cas.
Elle aurait pu aller n’importe où ailleurs, mais elle avait choisi de rejoindre Trent. N’y voyait pas un quelconque attachement, une sensiblerie, ou un manque d’affection. Kimiko savait juste pertinemment qu’il ne refuserait pas de l’héberger & qu’il la protégerait même s’il le fallait.

H+38.

Dormir. Longtemps. Longtemps.

H+45.

Dernier arrêt à une station service. Kimiko traversa le couloir pour rejoindre les toilettes, la tête haute malgré son allure. Personne. Tant mieux. Elle retira son tee-shirt, & ouvrit le robinet pour s’asperger. Les gouttes d’eau coulaient le long du lavabo en faïence, inondant le carrelage. Rien à foutre. En short & soutien-gorge devant le miroir, Kimiko mis enfin la tête sous l’eau & entreprit de se laver les cheveux avec le savon fourni. Ce n’était pas le grand luxe, mais au moins, elle était propre.
Lorsqu’elle releva la tête, elle tomba nez à nez avec son reflet dans le miroir. Elle avait les traits tirés, des cernes sous les yeux, les joues creuses, le teint pâle, & des hématomes virant au noir un peu partout sur le corps. Sur son cou, on pouvait clairement distinguer la marque des doigts qui avaient serré sa gorge. La trace de griffure qui zébrait son ventre. « C’est fini. » pensa-t-elle avec un sourire en remettant un tee-shirt propre. Plus jamais son mac ne la frapperait.
C’était fini d’appartenir à quelqu’un. Fini de devoir rendre des comptes. Fini de se vendre. Fini de coucher pour l’argent. Fini d’être une pute. Fini. Juste une petite année à attendre loin de lui en espérant qu’il oublie qu’elle s’était tirée, & avec son fric en prime, & tout redeviendrait à la normale. Enfin. A la normale.

H+49.

Caswell.



Je m'appelle Elix. 21 ans. Française. Vivant nulle part & ailleurs. En attente de mes résultats d'exams & animatrice en colonie de vacances lors de mes propres vacances (ou pas). Qui a eu ses exams, a eu son diplôme & passé un mois au bord de la mer en tant qu'animatrice de colo. J'ai connu le forum grâce à Logan (qui n'est pas revenu, RIP), on cherchait un forum où poser nos bagages & nousme voilà ! Homecoming, c'est beau, c'est classe, c'est intéressant & ca donne envie de RP à mooooort. Les gens sont gentils & ils m'ont accueillie chaleureusement pour que Kimi finisse dans leur lit. J'ai jamais goûté de sucettes à l'anis, mais j'aime bien le pastis, alors ça doit ressembler. Quand aux pedobears... Mais quelle est donc cette question ?!

P.S : Du coup, je suis partie, j'avais dit que je reviendrai & me voilà ♥