Un deux trois nous irons aux bois. Quatre cinq six cueillir l’Avarice. Sept huit neuf avec mon gun tout neuf. Dix onze douze bang bang bang. Ouais ça rime pas vraiment mais en même temps c’était pas le but. Je sais pas pourquoi, souvent avant d’appuyer sur la gâchette j’aime bien me chanter cette petite chansonnette. Elle est drôle, enfantine, entêtante, elle contraste avec ce que je suis entrain de faire et c’est plutôt amusant. L’odeur excitante du sang coule le long de ma mâchoire statique alors que je l’essuie avec avidité et rage. Ma chemise est tâchée à présent, génial. J’ai déjà à peine un rond pour me payer un paquet de clopes, comme si j’avais un rond pour aller à la laverie. « Cromwell t’aurais pas pu faire ça proprement pour une fois merde t’es chiant ! » Je regarde Stace, le regard quelque peu désabusé et nonchalant, levant même un sourcil. Faire ça proprement. Je me mets à partir dans un petit rire nerveux, comme si je la prenais au second degré et comme si ce mec était actuellement drôle. Il se met à ricaner avec moi, et quand il se sent suffisamment complice avec moi, je l’attrape alors par l’oreille en lui foutant mon flingue sur la tempe pour coller sa tête contre le crâne explosé du type que je viens de buter. « Tu m’expliques comment je dois faire sauter la cervelle du bras droit de Rochester, soit le mec qui a buté trois de nos types la semaine dernière, proprement ? hein ? » que je persifle à son oreille alors que ce dernier, qui n’est et n’a toujours été qu’une immense fiotte dans le fond, se met à échapper un espèce de couinement, ouais un truc du genre alors que je finis par le lâcher pour le pousser dans l’herbe à côté du gars mort. Je me retourne vers le coffre pour me lui balancer une pelle qui lui arrive en plein dans la face. Bien fait pour sa gueule. « J’lai buté alors c’est à toi de creuser ducon. » Je m’assois sur le bord du coffre pour remettre en place mes cheveux longs, putain faudra que je pense à les couper car ils me font chier, et je m’allume une clope. Putain y’a pas à dire, ça me fait toujours quelque chose quand même quand j’éteins la vie d’un mec, comme on éteint un interrupteur. Y’a de la lumière, et d’un coup, juste parce que je l’ai décidé et que j’appuie, bah y’en a plus. Ca me paraît aussi con que ça et j’me dis que je dois avoir un problème, mais aussi longtemps que je puisse m’en rappeler, j’ai toujours l’impression d’avoir été con. Enfin mauvais. Fin’ détestable. Fin’ sans scrupules. Enfin en avoir rien à foutre des autres en gros. Ma mère j’lai jamais vraiment connu. Fin’ si connaître sa mère jusqu’à ses six ans c’est vraiment la connaître. Ca a toujours été que moi et mon père. Mon père, ce héros. Nan j’déconne. Ca a toujours été qu’un bon à rien, du moins, quelqu’un d’inoffensif et un peu lourdeau sur les bords si vous voyez ce que je veux dire. Le genre de gars qui aime la chasse, la bière, les nanas et les matchs de basketball quoi, et qui croit à tout ce que les médias racontent, naïf, qui a des conversations de comptoir à la con, qui fait des remarques inutiles, qui a un humour gras de pastiche, voilà quoi, le bon beau de base. J’me fous de sa gueule, je le méprise souvent, mais dans le fond je tiens quand même à lui parce que s’occuper d’un gosse comme moi, ça pas du être toujours simple. J’ai jamais voulu être à la mode. Au lycée quand les gars étaient plutôt sponsorisés par Vivel Dop fixation béton et testostérone 3000, moi j’étais plutôt je suis un garçon j’ai les cheveux longs. Metalleux, élève moyen, pas bavard et sociable pour un sou, tout en cuir, du Ramnstein et Iron Maiden à fond dans le casque qui explose les tympans, une moto merdique que j’avais piqué et reluqué pour passer inaperçu, autant vous dire que j’avais pas beaucoup d’amis. Ni de copines. J’ai jamais eu de copines en fait. Que des booty calls, histoires d’un soir, j’ai bien vite compris que les nanas en rut avec leur hormones qui vous harcèlent, c’était pas pour moi. Les gens qui me font chier, je les envoient chier et puis point barre. Sauf quand je peux essayer de tirer quelque chose d’eux, chose rare, et dans ce cas-là, mon beau regard azur s’en charge très bien. Après mon diplôme donc, via Rochester, j’ai intégré un espèce de gang local, un petit truc, je faisais des deals, défonçait quelques caisses, volait quelques trucs, ça arrangeait mes fins de mois pour me payer ma propre moto, me payer mes propres trucs sans piquer du fric à mon père ou faire la vaisselle pour qu’il m’accorde vingt balles, enfin bref. Et puis on m’a demandé de buter. Une fois. Deux fois. Trois, quatre fois. J’ai jamais hésité. La gâchette, moi et le mec en face, ça a toujours été comme une évidence. Fais-ce que t’as à faire. C’est un job comme un autre. Un moyen de gagner de la thune. Certains ont jamais eu de remords et vivent très bien avec, eh bien je me suis dis pourquoi je ferais pas partie de ces gens-là non plus.

J’avais toujours dit que les cheveux longs commençaient à me faire chier. Mais j’avais jamais le temps ni la foi de les couper. Je voulais quand même ressembler à quelque chose. Eh bah, j’ai fini par les couper. En prison. J’avais les cheveux trop longs. Les poux tout ça. C’est toi le poux. Arrêté pour homocide volontaire prémédité, un job que j’avais du faire mais qui était en réalité un piège. J’ai buté le mec mais j’ai écopé quatre ans de prison à 22ans, parce que j’ai pas été trop con et que j’ai plaidé coupable, sans pour autant balancer le gang. Je suis arrivé les cheveux, on m’a coupé les cheveux, foutu dans une cellule avec un abruti pouilleux qui se foutait tout le temps dans ma gueule. « Leonard, auriez-vous l’extrême amabilité de sucer ma bite bwahaha ? » qui me susurre à l’oreille alors qu’il se jette sur moi dans la nuit. L’enfoiré. Le pire c’est qu’il est même pas fort. En moins de deux je lui fous un gros pins dans la gueule avant de le jeter parterre, foutant ma main sur sa gorge, que je serre, que je serre si fort que je pourrais l’achever en moins de deux. Et lui se marre, l’ignare. Un garde arrive bientôt pour me séparer de lui. « Tu sais pas ce que tu viens de faire my lord Leonard. » Fuckin’ prénom de merde qui me poursuit. Comme si j’étais un mec prout-prout et cul-cul la praline. Et en effet, je savais pas trop dans quoi j’métais embarqué. Ce mec n’était autre qu’une des grosses têtes de la prison, et pour me protéger j’ai pas du tarder à intégrer une des branches de la prison, celle du gang dont j’étais issu au départ. Les merdes et les batailles n’étaient pas rares, de Leonard le noble je suis devenu Clyde le gamin. Ou la belle gueule. Pas des surnoms que j’apprécie mais c’était déjà mieux que d’être pris pour un bourgeois à la noix. Après trois ans de tirés, je suis sorti pour « bonne conduite », quelle blague, et j’ai même pas eu à sucer qui que ce soit pour ça. Mais tant mieux. Je suis sorti, j’ai été longtemps surveillé, j’ai vu que Caswell c’était toujours la même merde. J’ai voulu partir, commencer une autre vie autre part, loin de tout ces gens cons jusqu’à la moelle, mais j’ai pas pu m’y résoudre. Mon père venait de se faire arnaquer par une femme michto’ qu’il s’était trouvé pendant mon départ, qui avait vidé son compte et s’était barrée, il était endetté jusqu’au cou, je pouvais pas le laisser dans cette merde. D’ordinaire, j’aurais tout à fait pu, mais là, j’avais beau détester mon père ou du moins le considérer comme un moins que rien, j’ai pas pu. Je suis resté, j’ai repris les activités dans le gang, qui visiblement était « fier de moi », de mon comportement en prison et de la réputation que je m’étais faite, des tatouages aussi qui étaient apparus sur mon corps en signe d’appartenance, ou d’autres simplement pour l’apparence, que du blabla à la con, mais cette fois à plein temps. J’ai aidé mon père à remonter la pente pendant quelques mois, et je pensais me barrer après, pile poil au moment ou cet épisode aux bois et ma rencontre avec the big bad wolf est arrivée. J’ai rien compris à ce qui se passait. Je suis revenu plusieurs fois par la suite, je me suis bouffer un mollet une fois par un loup, je me suis demandé si ça marchait vraiment ce sentiment bizarre et incontrôlable que j’avais ressenti la première fois, avec toutes les rumeurs de « pouvoirs «  et autres conneries. Et puis, récemment un deal a mal tourné, c’était la nuit, tard. Dans les bois, pour changer. Le mec a déconné, m’a filé un plan foireux, de la qualité de merde, j’ai voulu récupérer mon fric, il a commencé à se barrer en courant dans les bois, et je le poursuivais avec rage quand soudain le mec s’est retourné et m’a foutu son flingue en plein dans le nez. Je me suis stoppé net. Le mec m’a regardé. Je l’ai regardé. J’aurais pas le temps de dégainer j’ai été trop con. J’ai eu un peu peur, et en même temps j’avais envie de défoncer ce type, j’avais envie de dégainer, j’avais tellement envie de le buter bordel. Cette espèce de peur mêlée à la rage m’a foutu ses espèces de frissons de la dernière fois. Le mec m’a tendu le flingue vers la tête, j’étais prêt à bondir sur le côté tel un fauve. Mais j’en ai jamais eu l’occasion car soudain j’ai vu le mec littéralement sous mes yeux voler à deux mètres sur le côté, un coup parti dans le vent. Je suis presque tombé à terre, surpris et effrayé. Et à terre, sur le cul dans tous les sens du terme, j’ai vu un, puis trois, quatre loups sautaient sur le type, entrain d’en faire qu’une seule bouchée. Merde, ils pourraient pas prévenir ces chiens ? Je me suis levé, et aussitôt ils sont partis, lorsque je me suis approché près du corps, il ressemblait presque plus à un être humain. J’ai enterré le corps vite fait bien fait et j’me suis tiré. Putain je sais pas ce qui se passe chez moi mais j’essaye de faire profil bas en ce moment, avec toutes ces pulsions et ces envies qui me traversent parfois, j’ai l’impression d’être devenu un animal. La bête humaine. Ca ferait un joli nouveau surnom ça tiens, même si celui-là pour le coup me fait plus flipper qu’autre chose ces derniers temps…