04th November 2011
08:05 AM.
Le soleil peinait à se faufiler à travers le rideau de la chambre. Doucement mais sûrement il réchauffait la pièce et très vite on distingua une table de chevet, puis, les rayons commencèrent à lécher les draps du lit tirés sur une forme presque grotesque. La lumière s'infiltrait partout ou elle pouvait, les coins sombres n'étaient bientôt plus qu'un souvenir et l'aube était déjà là.
Au milieu du lit la forme bougea une première fois. Puis une seconde fois, il semblait que quelque chose s'était réveillé. Un visage apparu enfin, à demi endormi. Les rayons du soleil lui fouettèrent le visage et un œil s'entrouvrit. C'était vraisemblablement un homme les traits encore tirés par une nuit agitée. L'oeil balaya la pièce comme s'il cherchait quelque chose et s'immobilisa à la vue de la radio. Soudain les draps se soulevèrent et un bras en sorti. Il se détendit jusqu'à atteindre la radio et la fit basculer de la petite table de nuit. Celle-ci termina sa chute sur le parquet de la chambre de motel et s'éteignit à l'impact du bois sombre et froid. La tête ainsi que le bras retournèrent à l'intérieur de la couverture bleu, protégés de toute lumière ou température inopportunes. On entendit un léger grognement.

09:13 AM.
On entendait depuis la chambre jusqu'au couloir qui menait à la petite salle de bain un bruit d'eau. Quelqu'un prenait une douche. A l'intérieur une grande quantité de vapeur empêchait quiconque de voir à deux mètres. Sans prévenir l'eau s'arrêta et un homme sortit de la douche, il se passa une serviette autour de la taille et se dirigea vers le miroir. En face de lui il aperçu un homme d'une trentaine d'année, la barbe devait avoir été rasée la veille puisqu'elle n'avait pas encore eu le temps de repousser, ses lèvres étaient pincées et on apercevait un grain de beauté sur le côté gauche de la mâchoire. Des yeux de couleurs noisettes fixaient leurs propres reflets. Juste au-dessus, des sourcils broussailleux encore humides soulignaient son regard. Ses cheveux encore sous l'effet de l'humidité restaient collés à son crâne et n'avait pas encore ondulé.
L'homme fit sa toilette matinale puis s'habilla. Il se passa une chemise couleur crème soigneusement placée sur une chaise la veille et enfila son jean. Après avoir attrapé sa veste marron il la plaça sur son épaule et ouvrit la porte. Dehors la femme de ménage entreprenait sa ronde de ménage. Elle passait une à une les portes, prenant bien soin de toquer à la porte avant d'entrer avec son petit trousseau de clé qui tintait à chacun de ses mouvements. Tout en refermant à clé la chambre qu'il avait loué au Red Motel la veille l'homme l'observa. Lorsque la femme de ménage l'aperçu à l'autre bout du couloir elle eu comme un sursaut, puis après avoir reconnu le client, lui souria et lui passa le bonjour. Peter Cromwell la salua en retour d'un simple signe de tête et d'un léger sourire sans un mot. Puis lui tournant le dos il se dirigea vers le rez-de-chaussée.
Cela faisait maintenant deux jours que Peter Cromwell, métropolitain, se trouvait à Caswell. Et la ville se révéla telle qu'on lui avait décrite : Tranquille, trop tranquille même. La vie semblait ralentir dans ce patelin, les choses suivaient leurs cours normal sans être visiblement perturbée par les diverses contraintes que pourrait posséder une métropole. C'était de ses villes où l'on trouvait encore des barbiers attendant devant leur étalages. Le soleil bien qu'on était déjà arrivé en Novembre était toujours d'actualité. Malgré sa très pâle lueur qui annonçait l'hiver il réchauffait petit à petit l'asphalte des routes et la journée commençait à entrer dans sa période la plus chaude.
Peter, s'installa au café du coin et entreprit de prendre un petit déjeuner tardif. Il ouvrit le journal et commença sa lecture. Ce n'était pas tant qu'il cherchait à se tenir au courant des nouvelles du coin mais ce n'était pas un hasard s'il était ici et les médias locaux était la meilleure piste qu'il avait jusqu'à maintenant. Mais rien ne semblait indiquer une quelconque présence de l'homme qu'il recherchait. Il referma le journal et posa son regard sur la rue qu'on pouvait admirer depuis la baie vitrée. Une mère promenait sa poussette de l'autre côté de la rue. Elle s'arrêta lorsqu'un des commerçants sortit de sa boutique pour venir la saluer. Il se pencha sur le landeau et salua à sa manière le poupon invisible du point de vue de Peter. Ils commencèrent alors à discuter de choses et d'autres. Les gens semblaient bien se connaître ici, il y avait une proximité dans cette ville, encore méconnue de Peter.

« Vous reprendrez bien un peu de café. »

Peter tourna la tête encore perdu dans ses pensées. La serveuse du café était venu à sa rencontre une cafetière à la main et un sourire figé au visage.

« Hmm. Oui, volontiers. »

La serveuse s'exécuta. Peter tourna la tête et la femme à l'autre bout de la route avait déjà disparu, comme volatilisé. Le commerçant lui était sans doute retourné à ses affaires. Une odeur de café vint lécher ses narines. Son café était servi et la serveuse était déjà parti emportant avec elle sa cafetière. Peter l'interpella. Visiblement étonné elle revint, son sourire avait disparu.

« Excusez moi vous êtes du coin ? »

La jeune fille semblait surprise, presque vexée qu'on puisse lui poser une telle question.

« Evidemment j'ai grandie ici comme la plupart des employés du restaurant. »
« Oui...Hmm... Bon... Avez-vous déjà vu cet homme ? »

Peter tira de sa veste une photo. Celle-ci était vieille, vraisemblablement prise bien avant le numérique. Dessus on distinguait deux hommes. Le premier avait une carrure très imposante, un chapeau feutré noir était vissé à son crâne et il arborait une barbe florissante et grisâtre. Le second était quant à lui beaucoup plus petit et donnait l'impression d'être beaucoup plus vieux. Il arborait une petite moustache et des petites lunettes rondes qui lui donnait un air de taupe. La différence entre les deux hommes était telle qu'on aurait dit un petit enfant à côté de son comparse. Les deux hommes se serraient la main et arborait un sourire confiant. Il était impossible de nier le fait qu'il se connaissait tant ils avaient l'air complice.
La serveuse posa sa cafetière et prit la photographie dans ses mains pour mieux l'examiner. Après quelques secondes elle la lui tendit et fit un non de la tête.

« Je suis désolée mais ces deux hommes ne me rappelle rien. »
« Bien. Merci quand même. »


03:45 PM.
Peter se trouvait à présent dans sa voiture. Celle-ci, le moteur ronronnant n'attendait qu'un coup d'accélérateur pour démarrer.
Le jeune homme examinait une nouvelle fois la petite photographie usée. Il la connaissait à présent par cœur comme s'il ne pouvait détacher son regard des ces deux hommes. Malgré leur pilosité grisonnante ils semblaient jeunes, la quarantaine passée peut être un peu plus. Et pourtant Peter ne pouvait pas s'empêchait de noter l'ancienneté de ce morceaux de papier qui, capturait à l'époque un moment, et le figeait à jamais dans le temps. Il retourna le papier pellicule et observa la note mise en bas.

Caswell 1985.

Peter soupira. Il posa la photographie sur le siège passager et ouvrit sa boîte à gant. Plusieurs babioles s'accumulaient déjà depuis un moment. Il en sortit une petite enveloppe au papier jauni et sortit deux petits anneaux. Les deux bagues, au creux de sa paume, étincelaient au soleil. Un des anneaux était bien plus petit que son autre pair, il avait du aller au doigt d'une femme. Vestiges d'un passé révolu ils n'étaient à présent plus que des objets ordinaires aux yeux de Peter, de simples anneaux plaqués or, ni plus ni moins.
Soudain, de légers bruits sourds se firent entendre. On frappait à la fenêtre du Land Rover noir à l'aide d'une lampe torche. Peter fit glisser doucement la vitre vers le bas et une tête apparue. A la vue du chapeau et de l'air sérieux, Peter compris qu'il avait affaire à un officier de police.

« Bien le bonjour monsieur je ne vous dérange pas ? »
« Non monsieur l'agent, quelque chose ne va pas ? »
« Oh non ! Ne vous en faites pas comme ça ! » Il se mit à ricaner. « Je passais simplement dans le coin et j'ai vu votre véhicule. Vous n'êtes pas du coin n'est-ce pas ? »
« Effectivement, oui, je viens d'arriver en ville il y a quelques jours. »
« Ah oui … Bien … » Il commença à réfléchir tout en observant l'intérieur de la voiture. « Dites moi, ça ne vous gêne pas si je vous demande qu'est ce qui vous amène dans notre bonne vieille ville ? »
« Oh … Je cherche du travail … Et un peu de tranquilité », mentit Peter.
Le sourire de l'agent de police s'effaça. Il observa longtemps l'étranger cherchant à déceler à travers son regard quelconques informations.
« Très bien, je préfère vous prévenir, pour votre bien, qu'ici à Caswell nous n'aimons pas les fauteurs de troubles, encore moins lorsqu'ils viennent de l'extérieur. Si vous cherchez du travail vous devriez allez voir à la mairie, ils auront peut être quelque chose pour vous. En attendant je me dois de vous rappelez que nous avons récemment installé un couvre-feu à partir de 09:00PM et que toute personne vue dans les rues se verra contrôlée. »
Il avait fortement insisté sur le « pour votre bien » Peter n'était pas à l'aise, cet homme semblait déjà lui en vouloir.
« Bien. Je ne vous retient pas plus longtemps, je vous souhaite un bon séjour à Caswell vous allez vous plaire ici. Si vous voyez quelque chose de suspect n'hésitez pas à passer au commissariat. Au fait, je suis l'officier Burgess. Bonne route ! »
L'homme s'éloigna du véhicule et brassa l'air pour lui faire comprendre qu'il devait circuler. Peter remonta la vitre et tourna son trousseau de clé. Le moteur, réveillé en sursaut émis un vrombissement et cracha sa fumée toxique. Il démarra et s'engagea sur la grande rue.
« Drôlement accueillant... »
Le jeune Cromwell n'avait jamais réellement apprécié les forces de l'ordre, la discipline et le sérieux de l'homme de loi ne l'avait jamais attiré dans ce secteur.

09:25PM
De retour dans sa chambre d'hôtel Peter s'étala sur son lit. Aujourd'hui encore, il n'avait trouvé aucune piste sérieuse sur la quête qui l'avait mené dans ce trou paumée du Maine. Il repensa à sa mère, elle était probablement morte d'inquiétude, il n'avait plus donné de nouvelles depuis … Cette nuit …

Il était temps de rentrer à Portland. Il ne savait pas vraiment ce qu'il était venu chercher ici. Et puis les habitants ne semblaient pas lui faciliter la tâche. Personne n'avait pu le renseigner sur les deux hommes qu'il cherchait. Ils avaient disparus des mémoires comme la pluie disperse la poussière et les traces du temps. Non, vraiment, rien ne le retenait ici et c'était s'acharner que de vouloir trouver des réponses dans cette ville.
Il fit sa valise aussi vite qu'il était arrivé et descendit les escaliers quatre à quatre. Arrivé à la réception le tenancier surpris de voir encore une âme à cette heure-ci arrêta ce qu'il avait entrepris de commencer.

« Je vous rend les clés. Et voici pour les 2 nuits. »

Peter tendit quelques billets et laissa son hôte vaquer à ses occupations. A présent dehors il inspira une grande bouffée d'air frais. La température avait baissée en flèche avec l'arrivée de la nuit. Dehors, c'était le calme plat. Pas même un chat qui furetait à l'affût d'un repas de fortune. Peter s'engouffra dans la voiture et démarra.
Après quelques rues, il vit un panneau indiquant la route 78. Caswell était derrière lui. La brume avait recouvert la route de son lit moelleux et on commençait bientôt à ne plus voir bien loin. Brusquement une ombre passa devant la voiture et le conducteur n'eut pas le temps d'éviter. Dans un sursaut Peter tourna énergiquement son volant à gauche pour tenter vainement de l'éviter, mais le choc, lui, était inévitable. La voiture fit une embardée sur le côté de la route et finit sa course en percutant un grand conifère qui vacilla à l'impact. Le silence retombait dans la pénombre. Seul, les deux faisceaux des phares témoignaient encore d'une quelconque vie ici. La portière s'ouvrit avec fracas et Peter en sortit, indemne. Sa tête tournait et il perdit son équilibre plusieurs fois. Sa vue changeait du flou au net sans arrêt et il dû s'adosser à la carcasse de la voiture quelques minutes pour reprendre ses esprits. Le traumatisme passé, il pu enfin se rendre à l'avant pour constater les dégâts. Du sang coulait sur les voyants lumineux et donnait une teinte pourpre à la lumière blanche. Peter découvrit un daim coincé entre la voiture et le sapin, grotesquement tordu et les yeux exorbités. Il baissa la tête à la vue de l'anatomie de l'animal.

« MERDE ! »

Sa tête tournait encore légèrement et il se résolu à s'asseoir pour décider que faire. A ce moment une autre ombre bougea dans les buissons. Peter se releva, alerté par la menace et se mis sur ses garde.

« Qui est la ?! »
« Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! Ce n'est que le vieux Joe ! »

Un vieillard sortit alors d'un buisson. Il était crasseux et portait une salopette infestée de tâche de moteur et de sang séché. Les muscles de l'accidenté se relâchèrent et son regard changea d'expression. Le vieillard s'approcha et constata les dégâts.

« M'est avis qu'vous avez eu de la chance jeun' homme. Y'en a qui sont morts pour moins qu'ca ! »
« Je ... »
« Ces saloperies adorent s'fourrer sous nos roues, ils ont toujours pas compris le danger ! »
Le vieux Joe observa Peter, il était hagard.
« Vous êtes bien pâlot ! Venez ! Suivez moi ! On va vous recoudre ça ! »
L'homme désignait du doigt un filament de sang qui partait du front de Peter et coulait jusqu'à son cou. Il n'avait même pas remarqué qu'il s'était ouvert lors de l'accident. Soudain il sentit le liquide rouge, refroidi par la température dans sa chair. Un frisson le parcouru.
Le vieil homme amena Peter quelques mètres plus bas dans la colline. Les conifères laissaient peu à peu la place à la brise marine qui s'engouffrait dans les bois. D'un coup on apercevait le rivage, et la mer, noire. Ils descendirent un peu plus bas en et Peter arriva dans ce qui semblait être la résidence de Joe. C'était une de ces vieilles bicoques de pécheurs qui avaient poussées comme des champignons au cours du 18ème siècle, la grand époque des baleiniers. Joe entra en premier suivi par Peter. Une vieille dame, probablement sa femme, attendait dans la cuisine. L'odeur de poisson était beaucoup plus présente ici. Une marmite recrachait une fumée blanchâtre. Peter qui était jusque la blanc comme un linge vira au vert pâle.
« Eteins moi ça ! Le malheureux a eu un accident, ton poisson va le rendre malade ! »
La femme s'exécuta sans dire un mot mais visiblement très inquiète.
« Tenez, allongez vous là. »
Joe l'aida à s'allonger sur le vieux sofa qui s'écrasa sous le poids de Peter.
« Ne vous inquiétez pas on va vous arranger ça. »
« Je … Merci ... »
Peter sentait tout son corps engourdit par l'accident. La femme alla dans les étages chercher une trousse de premiers soins et en sortit de quoi faire des sutures. Une fois placée, elle pris une serviette qu'elle avait trempée dans de l'eau chaude et lui passa sur le front. Le vieillard lui s'était installé dans ce qui semblait être son fauteuil et avait allumé une pipe. Il observait sans en perdre une miette l'infirmière remettre son patient sur pied.
« Z'avez de la chance que Josie était la meilleure infirmière de son hôpital ! »
« Oh Joseph ... »
Josie rougissait à vue d'oeil. Peter avait l'impression que ce manège de flatteries et de petit couple heureux semblait durer depuis longtemps au sein de ce foyer.
Le travail finit, Peter pu s'asseoir plus convenablement dans le sofa. Il se passa une main sur le visage et observa l'homme qui regardait à présent les informations du soir.
« Merci pour votre accueil, et vos soins. »
« Bah c'est tout normal ! Vous devriez passer la nuit ici, vous prendrez la chambre d'mon fils, personne ne l'a utilisée depuis bien... Oh ! 2005 au moins ! Et puis demain on amènera votre voiture au garage, en ville, mais au vu des dégâts, elle sera pas sur pied avant au moins une semaine. Z'avez eu plus d'chance que vot' véhicule mon garcon ! »
« Oui … On dirait. »
Bizarrement l'homme semblait nerveux. Il agitait nerveusement ses deux pouces et jetait des regards furtifs vers Peter. Il se tourna finalement vers lui.
« Dites moi … Cette photo là ... » Il sortit de sa poche la photographie de Peter, elle avait du glisser lorsqu'il s'était installé dans le sofa. « Comment que ça se fait que vous avez une telle photo ?»
L'intérêt de Peter revenait au galop.
« Pourquoi ? Vous connaissez ces hommes ? »
« Eh bien … Le grand gaillard non, jamais vu de ma vie, par contre le petit … Oui je me souviens de ce visage... Il m'semble bien qu'c'était un type important à l'époque. Vous voyez le genre politique. Comment c'était son nom déjà Coherty … Coharty, quelqu'chose du genre. »
« Coherty ? Vous pouvez m'en dire plus ? »
L'homme cracha par terre.
« Mouais moi la politique c'est pas mes affaires, tant qu'on m'laisse pécher tranquille mais je me souviens qu'il était un gros bonnet à l'époque. Et puis … Pfiout … Disparu d'la circulation. C'est souvent comme ça qu'ça se passe ici vous savez. On brille d'un éclat aveuglant. Mais plus on brille fort et plus on disparaît rapidement ! »
Peter ne comprenait plus du tout ou il voulait en venir. Il se sentait faible et avait sommeil. Ses yeux étaient lourds et sa plaie picotait douloureusement.
« Mouais vous ferez mieux d'aller dormir dans vot' état il vaux mieux pas m'écouter radoter mes vieilles histoires ! Venez je vais vous mener à votre chambre. »

05th November 2011
01:00PM
Le Red Motel semblait paisible, le patron jouait aux cartes avec ses amis derrière le comptoir quand soudain la sonnette indiqua qu'un client venait d'entrer. Il se leva paisiblement et observa le nouveau venu.
« Tiens … Encore vous ?»
« Oui. On dirait que je vais devoir rester un peu plus longtemps. »