→ Quel est votre sentiment vis-à-vis des étrangers ? Qu'on les jette hors de ma ville ! On s'en sort très bien sans eux. Ils ne peuvent pas comprendre ce qui se passe, ils ne le comprendraient pas même si on leur expliquait par A + B, ce ne sont que des fauteurs de troubles. Des délinquants, en plus de ça, juste bon à mettre des idées idiotes dans la tête de nos filles et de nos garçons ! Vous croyiez quoi, que nos enfants avaient cette idée stupide de partir seuls ? Évidemment que non. Caswell est une bonne ville où il fait bon vivre et ces étrangers ne font qu'emmener une énergie... différente, négative, qui s'oppose à celle de la ville. Et s'il n'y avait que des enfants de l'Amérique, ha ! Non, il y a en plus des immigrés, des nègres et des chinetoques, des races de paresseux qui viennent voler nos femmes, quand ils sont pas mariés à des chiennes de leur espèce, et nos emplois. Qu'on ne se demande pas pourquoi tout va de travers, on accepte encore que ces imposteurs franchissent les murs. Mon propre père avait tenté de faire poser de grands murs autour de Caswell, mais ça n'a jamais été accepté. Oh, s'ils avaient su...

→ Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris la vérité ? J'avais dix-huit ans, je crois. Le même âge que quand je l'ai dit à Andreas. Mon père m'a convoqué au boudoir pour tout me dire. C'était... grave. Il n'y avait rien de drôle, rien d'amusant, tout de sérieux. Mon père n'était pas un homme de blague, de toute façon. J'étais très fier d'être désormais un des gardiens du secret, qu'on me fasse confiance pour garder ça. Ce n'est pas rien. Caswell est ma vie, tout est construit autour de cette ville et de ce secret, et je ferai tout pour que seules les bonnes personnes aient l'oreille pour l'entendre.

→ Que pensez-vous des récents événements ? Croyez-vous en toutes ces rumeurs surnaturelles ? Pas un clou, mon bonhomme ! Le problème, ce n'est pas le surnaturel, ce sont les étrangers et leur venue ici. Jamais un de nos petits n'irait tuer des gens, en enlever, ou qu'en sais-je. Tout le monde n'est pas honnête, mais tous ceux qui viennent de Caswell ne feraient rien pour aller contre la ville. Le surnaturel, ce sont des histoires pour faire parler les gosses et les empêcher de sortir la nuit tombée, c'est tout, et vous n'allez pas faire avaler ça à un homme de mon âge, je vous le garantis.

→ Avez-vous un secret vous concernant à nous révéler ? Pas de secret pour moi, mon bonhomme, enfin, sauf peut-être celui qui concerne Caswell - et ça ne vous concerne expressément pas. J'ai une tête à vous confier mes problèmes ? Les bonnes femmes aiment à parler sur le fait que j'ai donné quelques bonnes corrections à Andreas, mais ça a toujours été pour qu'il lui mettre un peu de plomb dans le crâne et lui durcir le cuir. Je ne m'en cache pas, il a sans doute reçu quelques bonnes gifles en public, toujours méritées notez-le, mais j'ai toujours gardé les coups de cravache pour la maison. Trop salissant, sinon, et quand j'étais plus jeune, ça commérait encore plus. Je n'ai plus rien à faire de ce que vous pensez de moi : à mon âge, on en a vu de pires.

→ Avez-vous été témoin dans la ville de choses que vous aimeriez dénoncer ? Tout à fait ! M. Summers a peint sa maison d'un bleu affreux et je dois rapporter ça à mes collègues du conseil. Ça ne va pas avec les autres maisons aux alentours, ça gâche tout le paysage de Caswell et c'est d'un tel mauvais goût. Rosie a failli s'évanouir, en voyant ça. Pour le reste, ce n'est pas moi qui m'occupe de porter attention à ce qui pourrait être... inhabituel. La tâche revient à quelqu'un d'autre et c'est tant mieux, j'ai plus la santé pour courir dans les rues à la recherche d'on ne sait quoi. Et ce bleu est vraiment affreux.

→ Vous êtes pris dans un cyclone. Des débris sont tombés sur la personne qui vous est la plus chère et sur un enfant que vous ne connaissez pas. Si vous la sauvez cette personne vivra avec un handicap terrible mais l’enfant mourra. Si vous sauvez l’enfant il sera indemne mais l’autre mourra. Vous ne pouvez en sauver qu’un, alors que faites-vous ? La personne la plus chère à mes yeux ? Déjà, c'est une bonne question. On dira que c'est Rosie, ça lui fera plaisir. Je préférerais laisser mourir Rosie plutôt qu'elle vive une vie de merde en étant handicapée, à son encore jeune âge, ce serait dommage, et sauver l'enfant, qui a encore toute la vie devant lui. Quand on est médecin, faut apprendre à faire la part des choses et les cas perdus, on en a assez vu pour s'en désensibiliser. Et mon fils, il vous a répondu quoi, au fait ? Ce petit con a sûrement tenté de sauver les deux, idiot comme il est, et les deux ont fini par mourir. Ça lui ressemble bien.