→ Quel est votre sentiment vis-à-vis des étrangers ? A vrai dire, après 7 ans d'absence, j'ai plutôt l'impression que c'est moi l'étrangère. Je ne reconnais plus vraiment ces rues que j'ai tant de fois sillonnés avec mes camarades, je ne reconnais plus ces visages autrefois si familiers.  Ma propre famille ne semble pas avoir de place pour moi et je sens le poids de leurs interrogations, de leurs regards à tous qui se demandent pourquoi je suis partie, qui méprisent la raison de mon retour, trop tard.  Ou peut-être que c'est juste moi, peut-être que j'imagine tout ça, que revenir ici m'angoisse plus que je ne l'avais imaginé et que j'ai du mal à accepter que je ne reverrai plus jamais mon père. Je ne sais pas combien de temps je vais rester, je ne suis pas sûre d'être capable de refaire ma vie ici. Les étrangers sont comme moi, perdus, confus. Je ne peux qu'être rassurée de savoir que je ne suis pas toute seule à perdre pied dans la morosité ambiante. C'est moi l'étrangère ici. Tout est à refaire…  

→ Quel est votre sentiment vis-à-vis des habitants de Caswell et sur la ville en général ?   J'ai aimé cette petite ville, jusqu'au jour où je l'ai quitté. J'avais 16 ans et pour moi le monde se limitait à ces côtes venteuses du Maine, avec le vieux phare d'un côté, le lycée de l'autre et notre antique demeure familiale quelque part là au milieu. Et puis, j'ai rejoint ma mère. J'ai découvert New-York, puis le Canada, j'ai passé tous les étés suivants à parcourir le monde et à voir toutes ces merveilles dont je ne soupçonnais même pas l'existence. J'ai laissé derrière moi Caswell, ses habitants, ses évènements étranges et je n'y ai plus guère accordé d'importance. Jusqu'à ce coup de téléphone il y a quelques mois "Papa est malade." J'ai repoussé l'échéance, encore et encore, angoissée à l'idée de retourner dans la ville de mon enfance. Et puis, il y a eu ce second coup de fil "Papa est mort." J'ai pris le premier avion et j'ai été replongée 7 ans auparavant, quand j'étais encore une adolescente, quand mon père était encore en vie, quand je croyais encore qu'il était possible d'être heureux à Caswell, dans cette petite ville perdue des États-Unis. Je suis mal à l'aise ici. Les gens me jugent, je le vois bien. Leurs sourires sont faux mais leurs regards ne mentent pas. Je sens ces choses-là. Je ne suis plus la bienvenue ici et je ne peux pas leur en vouloir. La fille prodige ingrate qui ne revient que pour enterrer son père. Voilà la piètre image que je renvois. Et pourtant, mon chagrin est réel. Mes regrets aussi. Je dois faire mes preuves pour me faire à nouveau accepter. Ce ne sera peut-être pas si difficile que ça. Renouer avec mes vieux amis, retrouver mes marques. Les circonstances me sont défavorables mais Caswell reste l'endroit où j'ai grandi. Cette ville, ces gens, cette maison, ce sont mes racines, alors je me dois de leur laisser une chance, au moins une.

→ Que pensez-vous du conseil municipal et de son action ? Pas grand-chose pour être honnête. Mon père en a fait partie et ma sœur aujourd'hui s'apprête à y prendre sa place. Cela fait trop longtemps que j'ai quitté la ville pour être vraiment au courant de ce qu'ils font et je ne m'en préoccupait guère lorsque j'étais adolescente. J'ai l'impression qu'ils ne voient pas d'un très bon œil notre installation à mon frère et moi au domaine familial, mais pour l'instant, c'est le dernier de mes soucis.

→ Que pensez-vous des récents événements ? Croyez-vous en toutes ces rumeurs surnaturelles ? Je n'ai entendu que de vagues échos sur ce qui s'est passé ces derniers mois et je n'y accorde qu'un faible crédit. Je suis ouverte au surnaturel ou à l'ésotérisme en général, mais je crois surtout ce que je vois. Si je dois un jour être témoin de ce genre d'évènements, j'aviserai. Pour l'instant, cela reste des rumeurs et en fait donc un excellent sujet de conversation.

→ Avez-vous un secret vous concernant à nous révéler ?
Je soupçonne ma sœur d'être une entité démoniaque envoyée sur terre pour faire de ma vie un enfer… quoi, ce n'est pas un secret ? Bon… et bien non, désolée de vous décevoir.
→ Avez-vous été témoin dans la ville de choses que vous aimeriez dénoncer ? Heu… pas pour l'instant.

→ Vous êtes pris dans un cyclone. Des débris sont tombés sur la personne qui vous est la plus chère et sur un enfant que vous ne connaissez pas. Si vous la sauvez cette personne vivra avec un handicap terrible mais l’enfant mourra. Si vous sauvez l’enfant il sera indemne mais l’autre mourra. Vous ne pouvez en sauver qu’un, alors que faites-vous ? Je sauve l'enfant. Ce ne serait pas rendre servir à la personne que j'aime que de la laisser diminuée et nous aurions tout deux du mal à vivre avec la mort d'un innocent sur la conscience. Même si cette décision serait absolument déchirante à prendre, je sais que je ferais le bon choix en agissant ainsi.